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Muslim Ibn Aqil
Muslim Ibn Aqil
 
 
Muslim (as) était le fils d'Aqil, le fils ainé de Abu Talib (as) et le frère de l'imam Ali (as). Ainsi, au-delà de l'attachement religieux, il avait un fort lien familiale avec son cousin l'imam Al-Hussein (as).

Muslim envoyé à Kufa

Après que l'imam Hussein a reçu des milliers de lettres de Kufa (Koufa) lui demandant de venir dans cette ville pour prendre l'allégeance des gens et les diriger, il décida d'y envoyer Muslim pour s'assurer de la situation et préparer le terrain. L'imam Hussein ne voulait pas se précipiter, en raison de la mauvaise expérience des Ahl-ul-Bayt avec les Irakiens. Aussi décida-t-il de se faire précéder par Mouslim ibn Aqeel qui serait, ainsi, son délégué et représentant qui lui préparerait le terrain, aplanirait les éventuelles difficultés, et surtout étudierait de plus près la situation et lui en ferait part avec précision, afin qu'il puisse prendre lui-même en conséquence la décision définitive qui s'imposerait.
 
Une tâche aussi difficile, exigeait un homme d'une fidélité insoupçonnable envers l'imam Hussein, envers le Message et envers la Umma, ainsi que bien d'autres qualités. Le choix d'Al-Hussein se porta sur son cousin, Muslim Ibn Aqil. Il lui fit part de sa décision et de la tâche qu'il entendait lui confier. Il le mit au courant de la teneur des messages qu'il avait reçus des gens de Kûfa, et lui expliqua la nature du travail qui l'attendait, en tant que son ambassadeur et son représentant. Les quelques mots suivants résument assez bien ce qu'al-Hussein attendait de son cousin et messager, Muslim Ibn 'Aqil:
 
«Va à la rencontre des gens de Kûfa pour voir. Si ce qu'ils m'ont écrit est vrai, fais-le-moi savoir afin que je te suive...»
 
Muslim Ibn 'Aqil, accompagné de ses hommes et de deux guides, quitta la Mecque pour Kûfa, vers la mi-Ramadan de l'an 60 hégirien. Le voyage était long, difficile et périlleux. L'été battait son plein: il fallait traverser des déserts arides, supporter la chaleur brûlante du soleil. Les deux guides moururent à mi-chemin. Muslim arriva à destination le cinq Chawwâl. Là, il s'installa dans la maison de Mukhtâr Ibn 'Obaida al-Thaqafi et en fit le siège de ses activités politiques à Kûfa.
 
Les délégations commencèrent à affluer vers lui, lui exprimant leur joie et leur satisfaction de son arrivée et de celle attendue d'al-Hussayn, et renouvelant leur allégeance et leur soutien à ce dernier. Les gens pleuraient de joie lorsque Muslim Ibn 'Aqil leur lisait le message d'al-Hussein et l'annonce de sa venue prochaine.
 
Muslim Ibn 'Aqil multiplia les contacts avec les gens et continua à mobiliser les Musulmans pour la cause défendue par al-Hussayn, jusqu'à ce qu'il se fût assuré que le nombre d'hommes prêts à se battre pour elle ait atteint environ 18,000 combattants. Une fois assuré du nombre suffisant de combattants, et de la sincérité du soutien des musulmans de Kûfa à l'Imam al-Hussayn, il écrivit à ce dernier pour lui brosser un portrait réel de la situation dans cette province de la nation islamique, et lui conseiller de venir.
 
L'avènement de Muslim à Kûfa continua à susciter un climat d'effervescence populaire et un courant d'opposition affichée, de plus en plus agité et de plus en plus menaçant pour le pouvoir central et ses représentants dans cette ville.
 
Le gouverneur de Kûfa, al-Nu'mân tenta de pallier pacifiquement à la situation, mais en vain. Cette attitude pacifique face à une volonté populaire résolument hostile aux Omayyades ne plut pas aux agents et partisans du pouvoir, car ils craignaient sérieusement de perdre les privilèges économiques, politiques et sociaux dont ils jouissaient au détriment des masses populaires. Aussi, l'un d'eux ('Abdullah Ibn Muslim), écrivit-il à Yazid un rapport détaillé sur l'évolution dangereuse de la situation et lui conseilla de destituer al-Nu'mân qu'il accusa de faiblesse et de manque de fermeté, et de le remplacer par un élément rompu aux méthodes de la terreur et de la répression pour pouvoir rétablir le prestige du Pouvoir. D'autres agents omayyades envoyèrent des rapports similaires à la capitale califale. Dans son rapport, ledit 'Abdullah Ibn Muslim écrivait notamment:
 
«Muslim Ibn 'Aqil est venu à Kûfa. Les partisans ont prêté devant lui serment d'allégeance à al-Hussayn Ibn 'Ali Ibn Abi Tâlib. Si tu tiens encore à Kûfa, envoies-y un homme fort capable d'exécuter tes ordres et de faire ce que tu fais avec tes ennemis. Al-Nu'mân est un homme faible, ou bien il fait montre de faiblesse». ("Al-Irshad" d'Al-Mufid)
 
Lorsque Yazid reçut cette lettre ainsi que d'autres messages alarmants, il se mit à la recherche d'un homme sans scrupules, habitué à la terreur, aimant le pouvoir à tout prix, dévoué aux Omayyades et haineux à l'égard des Ahl-ul-Bayt.
 
Ses recherches dans ce sens le conduisirent à Obaydullah Ibn Ziyâd, gouverneur de Basrah à l'époque. Le facteur déterminant dans ce choix fut l'opinion favorable de Serjoun, maître de Mu'âwîyah. Serjoun dit à Yazid que Mu'âwîyah avait écrit de son vivant une promesse de nomination de 'Obaydullah comme gouverneur de Kûfa, qu'il conservait cette lettre dont le contenu n'était pas encore exécuté et qu'il était temps de le faire, puisque personne d'autre n'était aussi dévoué que lui au trône omayyade. Yazid décida, sans plus attendre, de notifier à l'intéressé, qui occupait la fonction de gouverneur de Basrah (en Irak), son affectation à Kûfa. Il lui écrivit à cet effet une lettre dans laquelle il lui ordonna de mettre Muslim Ibn 'Aqil hors d'état de l'inquiéter, par tous les moyens:
 
«... Mes partisans à Kûfa m'ont écrit pour me dire qu'Ibn 'Aqil y rassemble les masses populaires pour faire scission au sein des Musulmans. Dès que tu auras lu cette lettre, va à Kûfa... pourchasse Ibn 'Aqil jusqu'à ce que tu le captures. Après quoi, enferme-le, tue-le ou bannis-le...». ("Al-Irshad" d'Al-Mufid; "Istich-hâd al-Hussayn" d'Ibn Kathîr,)
 

Relâchement et retournement de la situation


A peine 'Obeidullah Ibn Ziyâd reçut-il le message de Yazid Ibn Mu'âwîyah, il partit le lendemain pour Kûfa, déterminé qu'il était de devancer les événements et de prendre de court les opposants et leurs dirigeants.
 
Sachant sans doute que la plupart des Kufites (les habitants de Kûfa) n'avaient pas vu personnellement al-Hussayn et ne connaissaient donc pas ses traits physiques, il dissimula son visage et se coiffa d'un turban noir lorsqu'il entra à Kûfa. Les habitants de cette ville l'ayant pris pour al-Hussayn, lui réservèrent un accueil chaleureux en scandant à son passage: «Bienvenu! Fils du Messager de Dieu...». 'Obeidullah n'apprécia pas l'attitude des Kûfites et la joie qu'ils exprimèrent en le croyant al-Hussayn. Cet accueil et les comportements de la population lui permirent de jauger l'attachement de celle-ci à al-Hussayn, et l'impopularité de son commanditaire Yazid dans cette ville. Son compagnon Muslim Ibn 'Amr al-Bâhili, irrité par ce spectacle, et voulant couper court à la joie inopportunément exprimée par la population en faveur d'al-Hussayn, s'écria à son intention: «Reculez, c'est l'Emir 'Obeidullah Ibn Ziyâd».
 
Le lendemain, à l'aube, il surprit la population en appelant, du Palais, à la prière. Lorsque les foules se rassemblèrent, il leur tint un discours dans lequel il faisait miroiter aux loyalistes du gouvernement, des perspectives alléchantes, et il promettait aux opposants un sort peu enviable. Il conclut son discours par ces termes menaçants: «Mon fouet et mon épée s'appliqueront sur quiconque aura désobéi à mes ordres...».
 
Puis il imposa aux assistants la charge ingrate d'espionner pour le gouvernement et de dénoncer les opposants, en les menaçant des plus sévères représailles s'ils refusaient de coopérer dans ce sens:
 
« ... celui qui nous en amène (les opposants parmi ses connaissances) sera quitte... et celui qui ne le ferait pas, qu'il nous garantisse qu'aucune de ses connaissances ne s'opposera à nous. Autrement, il sera déchu de tous ses droits (civils et humains) et nous disposerons, à notre guise, de son sang et de ses biens. Quiconque aura trouvé parmi ses connaissances des gens recherchés par Amir al-Mu'minîn (Yazid) et ne l'aura pas dénoncé à nous, sera crucifié sur sa porte et sa famille sera privée de ses dons (allocations)».
 
En instituant la délation et en imposant l'espionnage quotidien et familial, en généralisant et en banalisant la répression, la torture et toutes sortes de pression, et en recourant aux pots-de-vin et aux attributions illégales, le pouvoir de 'Obeidullah put consolider sa position et passer à la contre-attaque en préparant une campagne de propagande, de dénigrement et de désinformation contre la Révolution d'al-Hussayn et de ses partisans. Dans ce climat de répression, de peur, d'incertitude et de doute, la position du représentant d'al-Hussayn, Muslim Ibn 'Aqil fut sérieusement ébranlée par la défection de ses partisans. Et on assista à un vrai retournement de la situation.
 
Muslim Ibn 'Aqil fut contraint de changer sa méthode d'action et de se cantonner dans la clandestinité. Il changea d'adresse et quitta sa maison habituelle (chez al-Mukhtar Ibn 'Obeidah al-Thaqafi) pour s'installer secrètement chez le leader kufite des partisans d'Ahl-ul-Bayt, Hâni Ibn 'Orwah, loin des regards des autorités et de leur persécution. Mais le service des renseignements du gouvernement finit par connaître sa cachette. Les autorités décidèrent de frapper leur coup discrètement et d'éviter toute action de nature à provoquer des troubles qu'elles ne pourraient pas maîtriser. 'Obeidullah Ibn Ziyâd envoya chez Hâni Ibn 'Urwah une délégation qui l'invita à se rendre au Palais pour dégeler le froid qui marquait ses relations avec le nouveau gouverneur.
 
Lorsque Hâni entra dans le Palais à la suite de cette invitation, il fut surpris de se trouver face à une sorte de tribunal, assisté par des témoins-espions. On l'accusa de participer à la résistance, à l'action armée des opposants, à la collecte de fonds et d'armes et au recrutement de partisans pour l'opposition, ainsi qu'à un complot dirigé contre le régime en place. Hâni tenta de nier ces accusations pour protéger Muslim Ibn 'Aqil qui se trouvait toujours chez lui. Mais il n'eut pas le temps de le faire. En effet 'Obeidullah Ibn Ziyâd s'élança contre lui et se mit à le frapper avec une barre de fer. Il l'enferma par la suite dans une chambre du Palais sous une surveillance sévère.
 
La nouvelle de l'emprisonnement de Hâni Ibn 'Orwah se répandit hors du Palais et parvint à sa tribu, les Mad-haj, lesquels encerclèrent la Résidence du Gouverneur (le Palais). Ibn Ziyâd, assiégé, ne put que ruser et manoeuvrer. Il demanda au juge qui se trouvait dans le Palais de sortir et de calmer les assaillants en les assurant du sort de leur chef et du bon traitement qu'il recevait. Ceux-ci se dispersèrent et le drame fut évité de justesse.
 
Dans ce climat explosif et d'incertitude, les autorités faisaient circuler des rumeurs qui allèrent bon train: «Une armée colossale eut été sur le point d'arriver de Damas pour soutenir le pouvoir, exterminer les opposants et anéantir Muslim Ibn 'Aqil et ses partisans!» La peur et le découragement ne tardèrent pas à entamer sérieusement la volonté des opposants et à s'emparer de l'opinion publique.
 
Muslim Ibn 'Aqil qui observait la situation de très près, décida de lancer une offensive contre le Palais pour s'en emparer et en finir avec le gouverneur de 'Obeidullah Ibn Ziyâd. Il rassembla ses hommes et encercla à son tour le Palais. 'Obeîdullah Ibn Ziyâd et ses partisans qui étaient inférieurs en nombre aux assaillants, se cloîtrèrent dans le Palais. Le Gouverneur assiégé envoya quelques-uns de ses agents pour s'infiltrer dans les rangs des nouveaux assaillants et de la foule, dans l'intention d'y créer un climat de peur, de doute et de suspicion, et de gagner du temps. Ils réactivèrent la rumeur de l'arrivée imminente de l'armée de Damas et feignirent de se soucier de préserver la paix et la sécurité de la ville et d'éviter l'effusion de sang. Leur stratagème ne tarda pas a s'avérer astucieux. Les hommes de Muslim commencèrent à se disperser et à se démobiliser. A la tombée de la nuit, lorsque celui-ci se dirigea vers la mosquée il n'y avait guère plus de 10 hommes sur les 4 mille combattants qui l'avaient suivi au départ de sa marche sur le Palais.6 Lorsqu'il termina sa prière du crépuscule il fut surpris de ne voir personne derrière lui pour le guider ou l'héberger dans ce pays étrange et étranger.7
 
Cette situation dramatique et poignante ne terrifia pas cet étranger qui se trouva subitement esseulé, abandonné par ses partisans, suivis par les espions du Pouvoir et traqué par ses agents. Il sortit de la mosquée avec un seul souci majeur: trouver le moyen de prévenir al-Hussayn pour lui éviter de tomber dans les pièges de la trahison. Il traversa les rues désertes de cette ville plongée dans la peur. Il marchait sans savoir où aller. Son chemin le conduisit près d'une porte où il vit une femme nommée Taw'ah. Il s'arrêta là, et, désemparé et timide, il lui demanda de l'eau. Après l'avoir bue, il s'assit là, ne sachant pas vers où il devait poursuivre cette marche sans but. Ses apparences d'étranger, et son air désemparé poussèrent la femme à lui demander:
 
«N'as-tu pas bu l'eau?
 
- Si, dit-il.
 
- Pourquoi ne t'en vas-tu pas? insista la femme, perplexe.
 
- Je suis étranger ici. Je n'y ai ni maison ni famille. Je suis Muslim Ibn 'Aqil, l'ambassadeur et le messager d'al-Hussayn à Kûfa. Je suis aussi son cousin».
 
Taw'ah lui ouvrit la porte et le laissa se cacher pour la nuit dans sa maison.8
 
Entre temps lorsque 'Obeidullah Ibn Ziyâd apprit la nouvelle de la défection des hommes de Muslim avant et pendant la prière du Crépuscule (Maghrib), il ordonna au muezzin de demander aux gens de se rassembler impérativement dans la mosquée pour la prière de la Nuit, et de les prévenir que quiconque ne répondrait pas à l'appel n'aurait pas la vie sauve.
 
Les foules affluèrent donc vers la mosquée sous l'effet de la peur. Après avoir guidé la prière devant elles, 'Obeidullah Ibn Ziyâd prononça un discours chargé de menaces pour les assistants et d'injures contre Muslim. Il s'adressa ensuite au directeur de la police de la ville et lui ordonna sèchement de perquisitionner dans toutes les maisons jusqu'à ce qu'il arrête Muslim Ibn 'Aqil.
 
Le hasard a voulu que le fils de Taw'ah, apprenne que Muslim se cachait chez sa mère. La peur d'une part et la récompense alléchante de l'autre, le conduisirent à dénoncer Muslim.
 
Le lendemain matin 70 hommes parmi les agents de 'Obeidullah encerclèrent la maison de Taw'ah et commencèrent à s'y infiltrer. Muslim Ibn 'Aqil leur opposa une résistance farouche. Ils se mirent à jeter sur la maison, des pierres et des flammes pour l'obliger d'en sortir. Il sortit, l'épée à la main, malgré ses blessures. Il continua de résister. Les attaquants qui remarquèrent ses graves blessures, lui dirent: «Cesse de résister, tu vas te faire tuer. Tu as la vie sauve». Mais dès qu'il cessa sa résistance, ils l'entourèrent, le désarmèrent, le mirent sur une mule et le conduisirent au Palais. Là, 'Obeidullah Ibn Ziyâd ordonna qu'on le tue.
 
Puis les bourreaux ne tardèrent pas à conduire Hâni Ibn 'Orwah qui avait hébergé Muslim Ibn 'Aqil chez lui, au marché des moutons de Kûfa pour lui couper la tête. Ils expédièrent les têtes de ces deux premiers martyrs de la Révolution d'al-Hassayn à Damas, pour y être remises entre les mains de Yazid Ibn Mu'âwîyah. Quant aux corps, les vigiles de 'Obeidullah les attachèrent avec des cordes et les traînèrent dans les ruelles de Kûfa pour terroriser les gens et servir d'exemple.


Avec comme source : "L'Imam Al-Hussayn et le Jour de 'Achourâ" d'Al-Bostani... avec quelques ajouts et modifications

 
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